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La Peinture à l'Huile miscible à l'eau - l'Interview de Miriam Peters-Rouyer

 


J'ai été interviewé par Christian Charreyre, rédacteur en chef d'Artistes et d'Artistes Magazine International, dans le cadre d'un dossier spécial "L'huile miscible à l'eau".

Voici l'interview comme il a paru dans l'Artistes no. 16 de Décembre 2020 / Janvier 2021 photos inclus.

Sabrina

Miriam Peters-Rouyer :
la voie de l'exigence

Cette artiste exigeante propose portraits, nus, natures mortes, tableaux équestres...à la facture classique et toujours chargés d'émotion.
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Par Christian Charreyre


Miriam Peters-Rouyer partage avec nous son expérience en proposant régulièrement des pas à pas dans nos colonnes. Cette artiste autodidacte a adopté la peinture à l'huile miscible à l'eau depuis maintenant plus de dix ans. Et elle est une ambassadrice convaincue et convaincante de cette technique aux atouts multiples. Elle nous révèle ici pourquoi...

Quel à été votre parcours artistique ?
La peinture et moi, nous étions faites pour nous rencontrer, c'était une évidence. Cela fait un peu cliché mais, toute petite, je passais mon temps à dessiner et à colorier. Vers 10-12 ans, je faisais déjà beaucoup de chevaux dont j'ai toujours été amoureuse, des portraits des stars dont j'étais fan comme Bono de U2 ou Jim Kerr de Simple Minds, au crayon, à l'aquarelle, à la gouache...sans véritable coup de cœur. 
Dans mon petit village des Pays-Bas, chez le libraire, il y avait un petit rayon de Beaux-Arts. J'ai craqué sur une magnifique boîte de tubes de peinture à l'huile, une palette et quelques pinceaux. Je me suis lancée et je suis tombée amoureuse de cette peinture. J'adorais la texture onctueuse, le temps de séchage long, les superbes couleurs, la brillance, les possibilités de mélanges... A 22 ans, j'ai quitté les Pays-Bas pour la France, je me suis mariée, j'ai eu des enfants, il a fallu que je trouve du travail. J'ai mis la peinture de côté. En 2000, mon mari, qui savait que je peignais, m'a offert un grand chevalet et je m'y suis remise.


Les Confitures de l'Automne


Comment arrive-t-on à la maîtrise technique en autodidacte ?
Simplement en peignant énormément, assidûment...et en faisant des erreurs. On apprivoise la peinture. Je dis toujours à mes élèves que je transmets ce que je sais faire. Je ne sais pas si c'est la bonne manière, mais le résultat est là. Cela peut être une lacune de ne pas avoir de formation académique mais cela apporte aussi un côté un peu pur, un peu naïf. J'ai un sens de l'observation très aigu, un certain talent pour analyser les couleurs et les formes. Mais il faut beaucoup pratiquer et chercher. Chaque tableau est un défi et un apprentissage en même temps.

Comment avez-vous découvert la peinture à l'huile soluble à l'eau ?
Pour des raisons de santé. J'ai eu un problème pulmonaire assez grave et, lorsque ma pneumologue a appris que je peignais à l'huile, elle m'a demandé d'arrêter. J'étais affolée ; la peinture était ma vie ! Je me suis mise à l'acrylique mais ce n'était pas pour moi, cela séchait trop vite, les couleurs n'étaient pas les mêmes... C'est ma pneumologue qui m'a mise sur la voie. Elle m'a dit : " Regardez les peintures qu'utilisent les peintres en bâtiment, elles sont lavables à l'eau ". J'ai fait des recherches sur Internet et j'ai découvert en 2009 une gamme chez Talens, H2Oil, devenue depuis Cobra Artist. J'étais sauvée !


Les Sept Chakras


Avez vous retrouvé toutes les sensations que vous aimiez avec la peinture à l'huile traditionnelle ?
Tout à fait. Et encore plus maintenant, parce que les fabricants ont amélioré leurs produits. J'avais commencé un tableau, une nature morte intitulée Pause Café, avant d'avoir mes soucis pulmonaires. Je l'ai repris avec la peinture miscible à l'eau et on ne voit aucune différence. La texture et les couleurs sont les mêmes. C'est juste un peu bizarre au début, quand on ajoute de l'eau. Personnellement, je mets très peu d'eau parce que je préfère travailler avec une matière onctueuse. Et il y a des médiums hydrosolubles, donc on peut retrouver toutes ses habitudes.

Le passage à cette nouvelle technique a donc été facile...
Pour moi, oui. Je m'y suis très vite faite. Mais je vois dans mes cours des élèves qui ont un peu de mal au début. Mais cela ne dure pas. Il faut bien comprendre que les peintures à l'huile miscibles à l'eau sont exactement les mêmes que les peintures à l'huile traditionnelles, le fabricant ajoute juste un émulsifiant qui permet le mélange avec l'eau. Outre ce détail, c'est la même chose. Même le prix !


Andalouse et Pause Café




N'avez-vous jamais eu envie de revenir à l'huile traditionnelle ?
En fait, si. J'aimais bien les odeurs de solvant. J'ai essayé une fois, fenêtres ouvertes. J'ai tenue trois jours et je n'en pouvais plus. J'avais les yeux qui pleuraient, mal à la tète. Il faut savoir que ces produits sont nocifs, même pour ceux qui n'ont pas de symptômes. Ils ne pénètrent pas dans le corps uniquement par inhalation mais aussi par la peau, quand on lave les pinceaux sans prendre de gants par exemple. Et ils sont très dangereux, pouvant causer des cancers du sang.

Vous êtes donc devenue une adepte totalement convaincue...
Totalement. La peinture à l'huile soluble à l'eau permet d'obtenir l'effet artistique de la peinture traditionnelle dans le respect de la santé et de l'environnement. Pour moi, c'est la peinture de l'avenir. Je suis sûre que dans 50 ans, tout le monde ou presque ne peindra plus qu'avec ça !


La Mariée


Etes-vous plutôt adepte des palettes réduites ou des larges gammes de couleurs ?
Je suis une color addict (rires). J'ai toute la gamme Talens Cobra Artist...et il y a 70 tubes. Je complète avec certains tubes de la gamme Winsor & Newton Artisan, parce qu'il y a des différences. Par exemple, le terre d'ombre naturelle n'est pas le même, il me faut les deux. Dès qu'une nouvelle nuance sort, il me la faut ! Mais je n'utilise pratiquement jamais la peinture sortie du tube, je crée toujours mes propres mélanges. Dans ma palette de base, il y a des couleurs qui reviennent systématiquement : blancs, carmins, ocre, terres d'ombre, jaune de Naples, bleu Outremer, une palette un peu médiévale Mais il y a tellement de belles couleurs ! Je suis toujours à la recherche d'une nuance plus subtile, alors il me les faut toutes parce qu'il suffit parfois d'une pointe de telle ou telle teinte pour que j'obtienne ce que je veux.


Chou et Pommes

Le fait que cette peinture soit soluble à l'eau est-il un plus pour la transparence ?
Ce n'est pas de l'aquarelle ! L'eau est là pour nettoyer les pinceaux et, lorsque la peinture est un peu trop sèche, on peut la détendre. Mais pour obtenir des effets artistiques, il faut un médium à peindre. Tous les auxiliaires classiques existent pour la peinture à l'huile miscible à l'eau, mais ils sont hydrosolubles. L'eau n'est pas un diluant. Personnellement, j'utilise très peu de médium, je préfère la peinture la plus brute possible.

Est-ce qu'il faut des pinceaux spécifiques ?
Ce qui est formidable avec la peinture soluble à l'eau, c'est qu'on peut utiliser des pinceaux synthétiques, beaucoup moins chers. Avec la peinture à l'huile traditionnelle, on dit souvent qu'il faut utiliser les pinceaux à poils d'animaux, mais c'est uniquement parce que les poils synthétiques ne supportent pas les solvants.

Crin d'Or

Que suggériez-vous à quelqu'un qui veut essayer cette technique ?
De l'essayer pour sa santé et pour l'environnement. Tous les fabricants propose des boîtes de 12 couleurs et 1 médium pour un prix raisonnable. Talens propose ainsi une gamme d'étude abordable, Cobra Study, que j'utilise pour mes cours. Le pigment est un peu moins travaillé mais le coût est moindre. Il y a 40 couleurs de base, c'est parfait pour commencer.

Et pour les amateurs plus expérimentés.
N'oubliez pas que cela reste de la peinture à l'huile. Il faut toujours respecter les règles, gras sur maigre, couche épaisse sur couche mince, séchage lent sur séchage rapide. Et n'achetez pas un savon spécifique, le savon de Marseille suffit largement. Pour les sous-couches, vous pouvez utiliser une gamme d'étude ou de l'acrylique, moins coûteux.


Hissez Haut



Petit Acrobate



EDITO


Tradition et Innovation

Pour ce numéro, nous nous sommes intéressés à la peinture à l'huile soluble à l'eau, une technique qui permet d'avoir toutes les sensations et la richesse de la peinture à l'huile traditionnelle sans les inconvénients, à commencer par les risques pour la santé, pourtant connus depuis de nombreuses années. Et nous avons été surpris de constater que ces produits, qui sont proposés sur le marché depuis plusieurs années, avec des gammes de couleurs et de médiums presque aussi large que les peintures à l'huile traditionnelle, ne soient pas plus largement adoptées.

Est-ce que le concept même de mélanger l'huile et l'eau est contraire à ce que nous avons toujours cru ? Parce qu'il est difficile de rompre avec des siècles d'histoire de l'art ? Ou parce que, face à tout changement, la première réaction est souvent la résistance ?
Pourtant la pratique artistique, si elle s'inscrit dans une tradition aussi vieille que l'humanité, n'échappe pas au progrès. Nous utilisons des pinceaux à poils synthétiques, des pigments qui ne sont plus naturels, nous ne fabriquons plus nos apprêts avec de la colle de lapin, nous regardons des tutoriels sur YouTube et discutons avec nos professeurs par visioconférence, nous vendons nos œuvres sur des galeries en ligne... Cela ne change rien à l'authenticité et au plaisir de l'apprentissage et de la pratique. Et toutes ces innovations n'empêchent pas la phrase d'Edgar Degas d'être toujours aussi vraie : "La peinture, c'est très facile quand vous ne savez pas comment faire. Quand vous le savez, c'est très difficile".


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Gabrielle Gauthier
gg@arts-magazine-int.fr

1 commentaire:

  1. pour peindre en plusieurs couches si je dois continuer chaque fois à ajouter de l'eau car je ne veux pas employer de medium merci de votre reponse

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